Autotune Gemini

So british !

L’Angleterre fait partie de ces pays qui se sont construits une solide réputation en matière d’automobiles sportives. Nous avons tous en mémoire ces marques qui ont laissé leur empreinte dans le grand livre du sport automobile (Aston Martin, Bentley, Jaguar, Lotus…). Mais l’Angleterre regorge aussi de petits constructeurs indépendants proposant des voitures « plaisir » accessibles  à tous, Autotune et sa Gemini en font partie !

Qu’elles soient assemblées ou en kit, on retrouve la plupart du temps une conception sur base de châssis tubulaire auquel on greffe des éléments mécaniques issus de la grande série. On dispose ainsi d’un engin performant, original et facile d’entretien grâce à des pièces mécaniques largement disponibles. Libre à chacun de personnaliser mécaniquement sa voiture, en fonction de ses envies et de son portefeuille…
Bon nombre de ces « artisans » s’inspirent de la recette de Colin Chapman : « light is right ! ». Un principe simple mais coûteux avec l’emploi d’aluminium, alors seul matériau léger et résistant, qui nécessite un savoir faire très particulier. L’arrivée de la fibre dans les années 50 va bouleverser le petit monde de la voiture « light » et largement contribuer à sa démocratisation outre-Manche dans les années 70. Si la matière manque de noblesse, certains constructeurs (y compris français) s’empresseront de démontrer l’efficacité de cette technologie en compétition et deviendront même les légendes du sport automobile que l’on connait…

La marque Autotune, fondée en 1969 par Anthony et Carolyn Taylor s’est d’abord spécialisée dans la préparation de véhicules de compétition et de route avant de se lancer, en 1983, dans la fabrication de répliques. Fort de son expérience en préparation, Autotune développe toute la partie mécanique mais s’inspirera des lignes des très esthétiques Elva des années 50 pour habiller sa Gemini. Une belle référence, qui plus est chargée d’histoire sportive.

Si le débat sur l’intérêt des répliques plane toujours sur le petit monde de l’auto ancienne, les pages qui suivent n’ont pas vocation à relancer la polémique, contentons nous d’apprécier les prestations de la Gemini et oublions, le temps d’un essai, toutes ces considérations. Prenons simplement du plaisir au volant d’un concept pas comme les autres…


English Touch’

Long capot, ailes galbées, porte à faux inexistant, poste de pilotage très reculé, portières symboliques et pare brise type « saute vent » vous mettent d’emblée dans l’ambiance sport des années 50. Réplique ou pas, l’effet sur les passants est garanti ! Difficile de ne pas craquer sur ces lignes toutes en rondeurs, et sous certains angles la Gemini prend quelques faux airs de Jaguar XK SS… encore une belle référence.

La face avant et le profil remportent tous les suffrages mais l’arrière de l’auto ne suscite pas le même enthousiasme… On comprend vite que les larges feux rectangulaires piochés dans la grande série pour répondre aux contraintes de prix et de stocks ont prévalu dans le cahier des charges sur le critère esthétique. L’autre faute de goût vient de l’arceau, qui fait son job sans se soucier de l’intégration.

Dommage que l’ensemble manque de cohérence mais c’est une réalité pour beaucoup de kit cars anglais à carrosserie fibre. Tout le monde n’a pas les moyens de s’offrir les talents des designers automobiles les plus prestigieux, surtout quand l’objectif est de proposer du plaisir à moindres coûts !


Racing Touch’

A « l’intérieur », c’est le minimum syndical sauce racing, ! L’alu riveté et le châssis apparent rappellent la belle époque, il ne manque que les effluves d’huile de ricin et une vision en noir et blanc pour se sentir projeté plusieurs décennies en arrière.

Sur la planche de bord en alu on trouve trois manos de contrôle (température d’eau, pression d’huile et jauge à essence), un minuscule compte tours et un très grand compteur gradué en miles, comme il se doit, pour ne pas trop effrayer votre passagère. Le bruit et les odeurs s’en chargeront…

Les sièges étant posés à même le plancher, on se retrouve dans une position de conduite très allongée mais, détail rare pour une anglaise de cette conception, pour une fois vous êtes assis dans l’axe de la route ! Le petit volant Motolita est d’une prise en mains très agréable, les pédales aux formes un peu étranges ont une disposition qui se révélera presque idéale (à peu près au même niveau et rapprochées sans excès) et le levier de vitesses tombe naturellement sous la main… gauche. Confusions et ratages en perspective pour les non-initiés…

Les « jolis » sièges en skaï affichent d’emblée leur incapacité à maintenir le séant du gentleman driver qui sommeille en vous… pas grave, l’imposant tunnel de transmission est là pour ça !


Ford Touch’

Si l’esthétique et l’ambiance à bord vous plongent dans une atmosphère qui ne laisse aucun doute sur la vocation plaisir de la Gemini, la partie mécanique s’avère plus classique.

Le moteur est un Ford 1600 crossflow alimenté par deux carburateurs Weber 40 horizontaux, l’évacuation des gaz est assurée par un collecteur 4 en 1 acier. Dans cette configuration et en tenant compte de la petite prépa. « qui va bien » sur la culasse, de l’arbre à cames au profil agressif et de l’allègement du bas moteur, on doit pouvoir compter sur environ 130 CV. Les préparations sur base de Crossflow ne se comptent plus, cette mécanique largement éprouvée fait le bonheur des préparateurs amateurs et professionnels depuis des lustres, sa cylindrée le rend particulièrement adapté à toutes les autos légères construites sur base de châssis tubulaire, toujours coupleux, il est exploitable sur une large plage de régimes et robuste à l’usage.

Coté châssis, pas de grosse surprise, on trouve un treillis tubulaire « maison » dont le diamètre des tubes paraît juste suffisant pour encaisser les contraintes mécaniques de torsion et d’étirement. Le train avant triangulé est équipé de classiques combinés ressorts/amortisseurs et la direction à crémaillère n’est pas assistée. A l’arrière, un bon vieux pont rigide très certainement d’origine Ford et aucune trace d’autobloquant pour améliorer la motricité. Le freinage est assuré par des disques à l’avant et des tambours à l’arrière.

Si la rigidité de l’ensemble semble assez limitée, le pont arrière, bien rigide lui, nous promet des sensations… Ajoutons la boîte courte et un poids qui frise les 550 Kg pour compléter une fiche technique qui met l’eau à la bouche, laissant entrevoir une véritable séance de domptage dans l’arène de « Croix en Ternois »…


En piste !

C’est effectivement à l’occasion d’une journée libre sur le circuit de Croix en Ternois que cet essai va se dérouler, Nicolas, propriétaire de l’auto me propose de partager la piste par sessions de 20 minutes. Décision est prise d’engager la voiture en catégorie monoplace, moins fréquentée que les séries berlines. Nous roulerons donc au milieu des barquettes et monoplaces préparées pour la compétition, il faudra surveiller les rétros ! La voiture à peine descendue du plateau et c’est pour moi l’occasion de faire une courte prise en mains dans le paddock, histoire de me familiariser un peu avec les commandes. Toute première impression favorable, rien de rédhibitoire excepté la commande de boîte très rapide mais difficile à manier de la main gauche.

Après un contrôle visuel des éléments mécaniques, nous décidons d’enlever l’assise du siège conducteur pour gagner quelques centimètres en hauteur et améliorer un peu le maintien latéral. Nicolas prend le volant pour la première session de la matinée, je m’installe en passager et je compte bien profiter de mon statut de copilote pour me faire une idée du comportement de la voiture.

C’est parti ! La sortie des stands et la fin de ligne droite me permettent de constater que ça pousse, que ça freine et que ça s’agrippe vaillamment à la piste !
La voiture est équipée de pneus de série inconnus à l’avant et de Bridgestone à l’arrière, pas le top mais ça permet d’avoir un comportement constant et plus progressif qu’avec des slicks…
Après quelques tours d’étude du comportement, Nicolas rentre aux stands et me laisse repartir seul au volant pour la deuxième moitié de la session…
Bien évidemment, les sensations ressenties au volant sont très différentes, on ne subit plus les contraintes mais on les provoque (quoique, très mal calé dans le siège, je suis obligé de me cramponner au volant pour rester dans l’axe de la piste !).

La première bonne surprise vient du moteur qui a une sacrée santé, plein partout, il grimpe dans les tours et il faut avoir l’œil vigilant pour ne pas provoquer de surrégimes. Les cinq rapports courts s’enchaînent au rythme du bras gauche qui n’est malheureusement pas habitué à tant de gymnastique…

La deuxième bonne surprise vient du comportement général, la Gemini fait preuve d’une stabilité digne de son empattement, pas de sous virage à moins d’entrer vraiment trop fort dans les courbes, le roulis est présent en appui mais pas trop pénalisant, les dérives du train arrière sont progressives et se gèrent aux gaz mais les excès d’optimisme vous rappellent quand même que vous êtes assis sur un pont rigide… Le comportement général, vraiment grisant, est finalement assez efficace au regard de la conception assez archaïque du train propulseur !

Bruits, vibrations, odeurs et chaleur caniculaire vous plongent dans un enfer mécanique sans nom où seul le crossflow Ford ne faiblit jamais…

S’il est impossible de rivaliser avec les formules Ford présentes sur la piste, on ne se sent jamais déposé et l’on se prend à rester dans leur sillage quelques virages. Étonnant quand on compare l’architecture des deux autos : moteur arrière pour l’une, avant pour l’autre, cellule monoplace d’un côté et carrosserie fibre biplace de l’autre, suspension indépendante contre pont arrière rigide, pneus slicks face à de classiques pneus de route, la liste est encore longue…
Au chapitre freinage, l’attaque est bonne mais la course de la pédale un peu longue, au fil des tours, les distances d’arrêts se raccourcissent sensiblement avec la prise en main de l’auto et, malgré quelques blocages de roues avant « à la limite », ils se révéleront performants et endurants.

Côté bémols, le maintien des sièges se révèle totalement inadéquat dans le cadre d’une utilisation circuit, le fait de devoir se cramponner au volant tout en conservant la trajectoire est assez désagréable. Quand vous devez en plus rentrer le quatrième rapport dans une grande courbe rapide, c’est très sport : la gymnastique consiste à lâcher le volant de la main gauche en plein appui pour changer de rapport, pendant une seconde vous êtes alors en roue libre (bonjour l’inertie…), le temps d’enclencher la vitesse et de retrouver du grip… ne pas se louper !!

Les minuscules rétros ne permettent pas de rouler en toute sérénité, il faut rester très attentif à ce qui peut surgir derrière, la seule technique efficace est encore de jeter des coups d’œil réguliers vers l’arrière, comme en Kart !
Les rapports de vitesses loupés auront été légion (seconde/cinquième en sorties de virages…) mais il s’agit bien d’un manque de pratique de la combinaison main gauche + quick shift, nul doute qu’avec de l’entraînement les vitesses s’enquillent à la volée.


Conclusion

Quelles conclusions tirer d’un galop d’essai au volant de cet engin exotique ?

Nous sommes en présence d’un parfait jouet pour adulte déraisonnable…
Pour l’amateur d’originalité et de sensations, tous les défauts du concept apparaîtront comme des qualités et rien ne pourrait le faire changer d’avis, surtout s’il a goûté aux joies que procure la conduite d’une telle auto !
Totalement inutile mais tellement désirable, la Gemini fait partie de ces voitures qui permettent de rouler cheveux aux vents le temps d’une ballade en campagne et qui dévoilent un beau potentiel si vous enfilez votre casque pour les emmener sur un circuit.

Faussement polyvalente car peu exploitable sur route, la Gemini est avant tout une automobile 100% plaisir. Alors ? Vraie fausse voiture ou voiture à part entière ? je n’alimenterai pas l’éternel débat mais, en guise de conclusion, je peux vous affirmer que les sensations distillées par l’engin sont bien authentiques….

Points forts Points faibles
  • Joujou extra
  • Sensations grisantes
  • Performances / freinage
  • Comportement ludique
  • Disponibilité des pièces mécaniques / entretien peu coûteux
  • Ne court pas les petites annonces
  • Usage limité sur route
  • Construction légère….

Les liens pour tout savoir sur l’Autotune Gemini

Pas grand chose à se mettre sous la dent, l’oiseau étant rare chez nous je vous propose le site du constructeur anglais : https://www.autotuneuk.com/gemini.html

Textes et photos Stéphane Muguet
 

Stéphane Muguet
Passionné de Sport Automobile, de techniques de pilotage et de technologie, j’aime partager mais surtout échanger, car je reste convaincu que se remettre en question demeure la seule démarche pour progresser et avancer… Toujours plus vite !
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