
Elise et moi
Nous sommes en 2004, cela fait 8 ans que l’Elise première du nom a vu le jour, il est temps pour Lotus de faire évoluer son cheval de bataille. La petite nouvelle, baptisée S2, doit pérenniser le succès de sa devancière sans trahir la recette originale. On attend donc une touche de nouveauté, un soupçon de progrès mais surtout le respect de la règle numéro 2, le plaisir de conduite.
La règle numéro 1 étant gravée dans l’asphalte d’Hethel…. Light is Right !
Un jour, un collègue m’a confié : « Pour moi, la meilleure voiture sera toujours celle de demain… » Préparez vos copies, vous avez 4 heures !
C’est pourtant vrai, incontestable même. Mais si l’on considère que la meilleure voiture sera toujours la prochaine, cela signifie que l’on ne profite jamais totalement de celle que l’on a entre les mains, car on pense déjà à celle qui lui succédera. J’avoue être plus terre à terre… comme je ne connais pas la voiture de demain, j’essaie de profiter de celle qui est devant moi aujourd’hui, ou plutôt hier, si l’on tient compte des semaines qui séparent cet essai de l’article que vous avez sous les yeux… Vous ne suivez plus ? Pas grave… retenez juste qu’aujourd’hui, c’était 100% plaisir !
Au carré
Esthétiquement, on remarque d’emblée les lignes plus saillantes et le nouveau regard en amande, des modifications qui font perdre un peu de sa bonhomie à l’Elise mais lui permettent de gagner quelques points d’agressivité. Avec son empattement proche de sa longueur totale, sa hauteur de tabouret et ses larges hanches, la petite anglaise s’offre un look de mini GT tout en conservant ce petit côté attachant qui a fait le succès du modèle, avec cette qualité rare pour une sportive de plaire à beaucoup de monde, y compris les dames !
Équipée d’un Hard Top (en option), on pourrait presque confondre notre modèle d’essai avec sa grande sœur l’Exige, mais en y regardant de plus près on constate que tout se joue au niveau de la partie arrière. Si l’Elise possède un capot moteur horizontal, rendant la vitre arrière visible de l’extérieur, celui de l’Exige est incliné pour abriter l’échangeur des versions compressées. Cette subtilité esthétique renforce l’impression de légèreté qui se dégage de l’Elise. On obtient, de mon point de vue, un profil plus équilibré et un dessin général plus agréable à contempler.
Embonpoint
Évolution aussi à l’intérieur, l’extrême simplicité qui régnait a bord de la S1 cède la place à un environnement plus cossu (si l’on peut dire…). L’aluminium du châssis se fait plus rare, les touches de cuir et de moquette plus présentes. Précisons que le modèle présenté ici, équipé du « touring pack », s’enrichit de touches de moquettes, d’insonorisant, d’un autoradio CD 4 HP. Ajoutez lui la climatisation et vous obtenez une Elise prête à attaquer un marché plus large, visant un public plus adepte de ballades dominicales que d’arsouilles sur asphalte. Pari tenu, les chiffres de ventes démontreront un bel engouement pour la S2 , plus « polie-valente » que sa devancière elle touchera les acheteurs attirés par le concept mais moins enclins à certaines concessions liées au confort…
Pour résumer et revenir aux fondamentaux, on constate en regardant la balance que la règle numéro 1 prend une belle claque… Avec un poids annoncé de 860kg on reste heureusement sous la tonne, l’honneur est sauf mais les puristes râlent déjà au fond de la salle !
Roast Beef Wasabi !
Une anglaise à moteur japonais…. et pourquoi pas !
Le cahier des charges de L’Elise S1 faisait la chasse au kilo superflu, il lui fallait donc un bloc de petite cylindrée, vif et léger. Disponible au catalogue Rover, il permettait, « cerise on the cake », de proposer une auto 100% british. Une belle alliance qui se termine lorsque Rover met la clé sous la porte, le petit 1800cc de 122cv n’équipera que les premières Elise S2 avant de disparaître du catalogue.
Pour que l’aventure se poursuive, Lotus se met en quête d’un moteur aux caractéristiques similaires.et c’est sans surprise du côté du soleil levant que lorgnent les anglais. Il faut dire qu’en matière de petites mécaniques vivantes les constructeurs japonais ne sont pas en reste, Honda et ses fabuleux moteurs V-Tec en tête !
Si un partenariat a bien été étudié avec ce dernier, c’est finalement Toyota qui fournira le moteur tant convoité, en l’occurrence le 1800cc de la Celica équipé du système VVT-I à calage variable. Un bloc bouillant qui développe 192cv bien énervés dans les tours en version atmosphérique, soit 2cv de plus que l’ex Rover en version VHPD. L’autre atout de cette mécanique c’est qu’il en existe une version 136cv, parfait pour élargir l’offre du constructeur anglais, sans compter qu’avec un turbo ou un compresseur, il serait éventuellement possible d’en tirer une bonne poignée de chevaux supplémentaires…. mais ceci est une autre histoire, que vous pouvez découvrir ici !
Il ne reste plus qu’à vérifier sur la piste si cette Elise S2 se déplace toujours comme une vraie danseuse.
Terrain de jeu
Chez Lotus la piste est une seconde nature, la route un parcours de liaison entre chaque terrain de jeu… Notre élue du jour va pouvoir s’exprimer sur 2 tracés radicalement différents : d’un côté le circuit Maison Blanche, un tracé rapide et technique dans sa configuration totale de 2.8kms, de l’autre le Bugatti, piste internationale d’une largeur de 12m sur laquelle notre Elise devrait être un peu moins à l’aise avec son tracé de 4,180kms laissant la part belle aux pur-sangs.
Circuit Maison Blanche
L’Elise de cet essai est une conduite à droite, une donnée à intégrer puisque cela impose une gymnastique de la main gauche sur le levier de vitesses, mieux vaut prendre son temps afin de bien décomposer les mouvements et éviter quelques malencontreux craquements…..
Premiers tours pour mettre la mécanique à température, la voiture semble à l’aise et démontre déjà une belle agilité sur un rythme coulé / rapide. En revanche, sur ce modèle 2004 l’exercice du talon pointe se révèle très compliqué…. Un problème corrigé sur les modèles suivants avec le nouvel accélérateur électronique et le pédalier modifié.
Côté mécanique, le moteur Toyota se montre à la hauteur de ce que l’on attend, calme et un poil creux à bas régimes, il devient explosif lorsque la barre des 6400 tours/mn est franchie, le VVT-i s’enclenche et le coup de pied aux fesses lié au passage des grandes cames propulse l’aiguille du compte tours à la vitesse d’un TGV jusqu’aux 8400trs/mn autorisés… Le tout accompagné d’une partition musicale plus rauque, ici amplifiée par une admission ITG en carbone !
Alors oui la mécanique est pointue, il faut tirer sur chaque rapport pour retomber dans la zone de couple et certains virages vous plantent entre 2 régimes, soit vous sortez en 2 avec trop de régime et la 3 vous saute à la figure, soit vous sortez en 3 un poil sous la barre fatidique du régime de couple et il faut patienter quelques mètres pour profiter à nouveau des grandes cames. Mais tout de même, quel pied d’avoir une mécanique atmo aussi vivante juste derrière soi !
La boite est bien étagée mais souffre toujours d’une commande peu agréable, manquant de précision… C’est rageant car avec un système plus direct et plus ferme le plaisir d’exploiter le moteur dans les tours serait total.
Moteur vivant, boite contrariante… châssis ? Au top !
Le châssis, c’est la pièce maîtresse d’une Lotus, l’Elise S2 reprend la base de la S1 pour un résultat à la hauteur de nos espérances. La voiture se place et réagit avec peu d’inertie, bien aidée par une direction précise qui participe à la vivacité de l’ensemble. Si l’on place le regard au bon endroit, avec de la vitesse d’entrée et du frein, l’Elise enroule… voire plus ! Il s’agit ensuite d’être réactif , de doser les angles de volant et l’accélérateur pour ne pas en faire trop, la marge de manœuvre avec une auto courte à moteur central arrière étant mince…
Mention spéciale pour les étonnants Yokohama Neova AD07, moins radicaux que les lourds et collants A048, ils sont un excellents compromis route/circuit pour l’Elise.
Poussée dans ses derniers retranchements, le talon d’achille de notre Elise se révèle être un amortissement d’origine trop souple pour de la piste « bien emmenée ». Les alternatives existent et sont bien connues des Lotussiens, 2 paires de Nitron par exemple permettront au châssis et aux pneus de s’exprimer encore mieux !
Côté freins, RAS sur un circuit pourtant exigeant sur ce point. Les plus pointilleux peuvent toujours améliorer le feeling de la pédale en utilisant des plaquettes plus agressives en attaque, associées aux disques adéquats et avec un bon liquide haute température vous serez parés à la grosse arsouille dans les meilleures conditions.
Circuit Bugatti
On retrouve les qualités de l’Elise, le moteur en veut toujours autant mais la boite s’avère très longue (avec une boite courte sur ce tracé, la voiture est transfigurée !). Le châssis se montre même à l’aise dans les courbes rapides, il faudra quand même faire attention au lever de pied car si elle peut rapidement tourner sur elle-même, mieux vaut provoquer et réagir vite… qu’être surpris !
Équilibre et dynamisme sont les termes qui qualifient le mieux l’Elise sur piste. Et lorsque la journée se termine, il suffit d’ajuster les pressions de pneus et de remettre un peu d’essence pour rentrer par la route, à n’en pas douter Sir Chapman serait fier de voir qu’il est encore possible, 50 ans après la première Seven, de se balader cheveux aux vents ou de taquiner le chrono avec une seule et même auto à l’insigne verte et jaune.
Conclusion
L’Elise a certes perdu un peu de son agilité, les quelques kilos liés à certains éléments de confort et l’emploi de matériaux de meilleure qualité (l’épaisseur de fibre de sa carrosserie notamment) changent un peu le feeling au volant, il suffit de passer d’une S1 à une S2 le même jour pour s’en rendre compte, mais elle a gagné en performances et reste encore à ce jour l’une des rares voitures de série à pouvoir se montrer aussi à l’aise sur un circuit, sans modifications majeures.
Au final, avec 4 amortisseurs réglables, le bon jeu de plaquettes et une admission directe pour le plaisir des oreilles, l’Elise 111R se révélera redoutable, capable de tourner autour de voitures beaucoup plus puissantes grâce à son faible poids et ses qualités dynamiques de haut niveau. J’ose conclure en disant que cette 111R est une réalisation que Sir Colin Chapman himself n’aurait pas reniée, et c’est bien là l’essentiel….
Points forts | Points faibles |
– Châssis et feeling au top – 2 Moteurs en 1 !! – Montées en régime grisantes – Freinage – Ligne réussie – Confort en progrès | – Commande de boite… GRRRR !! – Poids en hausse… agilité en baisse… – Amortissement d’origine un peu souple – Température moteur à surveiller sur circuit – Confort en progrès…. |
Sous un autre angle…
Les liens utiles pour tout savoir sur la Lotus Elise S2
Le site du Club lotus France regroupe les passionnés des réalisations de Colin Chapman, nombreuses infos et docs sur les modèles, en devenant membre vous pourrez accéder au très actif forum des Elise/Exige Série 2 + tout le reste…
http://www.club-lotus.fr/
Le Forum garage 111 , dicussions entre passionnés autour des modèles Lightweight d’origine Lotus : Lotus Elise, Lotus Exige , Lotus 340R, Opel Speedster, ainsi que tout les modèles http://www.garage111.com
Et une multitude de sites de particuliers à retrouver sur votre moteur de recherche favoris car la puce fait des émules, aussi bien en français qu’en anglais.
And in English… si la langue de Sir Chapman vous est familière, ne vous privez pas des liens suivants :
Le site Officiel Lotus , l’actualité de la marque, la gamme actuelle, les projets…
http://www.lotuscars.com
Forum Lotus Talk , Forum très dynamique consacré à la marque, conseils techniques, conseils d’achats et discussions existentielles au programme !
http://www.lotustalk.com
Stéphane Muguet
Textes et photos statiques
Thierry Cormier
Photos statiques et piste